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  • Photo du rédacteurJérôme Jouve

Mazzeri, Chamans de la montagne corse

Dernière mise à jour : 8 juin 2020


Dans "Le mazzerisme: un chamanisme corse" (1994) R.Multedo explique: "Le mazzeru est un homme comme vous et moi, qui fait des rêves de chasse. Il se poste, en esprit, au gué d'un ruisseau. Il abat la première bête sauvage ou domestique qui vient à passer et qui est l'esprit d'un être humain. Après l'avoir tuée, il retourne la bête sur le dos. Il s'aperçoit, alors, que le museau de l'animal est devenu le visage d'une personne de sa connaissance, qui va mourir. Cette personne vivra trois jours au minimum ou un nombre impair de jours, et un an, au maximum. En effet, la bête tuée représentait son âme : c'est pourquoi, privé d'âme, son corps ne tardera pas à dépérir."(Roccu Multedo).

Le mazzeru (ou "lanceri, culpatori, acciaccatori, stregu, stregone") comme le Chaman serait donc doué de facultés thaumaturgiques et divinatoires exceptionnelles. Quant à l'origine du mot, le "mazzeru" serait le "massier", celui qui porte la "masse": "bâton gros et court, dont l'un des bouts est fortement renflé et qui permet de frapper avec une grande violence, d'assommer" (cnrtl.fr), mais aussi bâton honorifique décoré et porté comme symbole de commandement. En Corse les "mazzeri di capu" désignent les "massiers de tête", qui sont au nombre de 3, dans la procession du Vendredi saint (Muntese).

Pour devenir mazzeru, il faut avoir un don psychique, dont l'origine est mystérieuse, et être initié, le plus souvent par un membre de la famille puisqu'il se transmet généralement de façon héréditaire. La vocation est obligatoire, on ne peut s'y soustraire. Tout au plus, l'initiateur peut faire en sorte que son nouveau confrère ne soit pas « mazzeru acciaccatore », c'est-à-dire tueur. Dans ce cas, il sera « mazzeru » tout court, c'est-à-dire « salvatore », sauveurs d'âmes et comparable en cela au chaman blanc asiatique ou au sorcier blanc de France, qui sont des guérisseurs.

Le mazzeru, pour Roccu Multedo, paraît être à la fois sacrificateur, psychopompe et guérisseur.

L'animal chassé en rêve représente l'âme d'un malade qui s'ignore, que le mazzeru ne connaît pas encore, âme qui vient de quitter son corps. Ce départ de l'âme est justement la cause de la maladie. Le mazzeru sacrificateur poursuit l'animal et le tue afin de l'offrir à Dieu, et d'obtenir ainsi la guérison du malade. Il va s'agir ensuite pour le mazzeru guérisseur d'essayer d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que le sang coagule et de faciliter au malade, ainsi privé de son âme, la périlleuse traversée du pont ou du gué qui constitue la frontière par excellence entre les deux mondes et ce, malgré les « mazzeri-acciaccatori » (tueurs) qui vont tout faire pour l'en empêcher.

Sources :



J.Chiorboli, Università di Corsica, 20 aout 2015

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